mercredi 31 décembre 2014

Une année vers soi même ...



On en fait du chemin.
Tous les jours, chacun dans notre coin.
On avance.
On essaie.
On fait du mieux qu'on peut.
Parfois on y arrive.
Et parfois on échoue.
Mais ce n'est pas échouer vraiment.
Ce n'est pas se tromper finalement.
Car échouer est évidemment une expérience qui peut nous faire avancer.
Encore, toujours.
Bien sûr on se sent parfois sur le point de tomber.
Bien sûr on a même quelquefois les genoux écorchés.
Mais on se relève.
Toujours.
Et on avance.
Avancer, c'est pour moi le plus important.
Il faut y arriver.
Le temps nous rappelle à l'ordre.
Il file.
Il nous nargue.
Les enfants grandissent.
Les années s'accumulent.
Il est urgent d'en profiter.
Urgent de vivre chaque instant pleinement.
Urgent de faire tomber les masques.
Durant l'année qui vient de s'écouler, c'est ce à quoi je me suis employée.
Tenter de revenir à l'essentiel.
Tenter de (re)devenir soi-même.
De ne pas, de ne plus porter de masque.
Celui de la politesse sociale.
Celui de la réponse immédiate aux attentes des autres.
Celui de la fille qui ne supporte pas de décevoir.
Si j'ai parfois l'impression de stagner, de m'enliser dans les eaux troubles de mon passé, la vérité c'est que je n'ai jamais été aussi sincère en fait.
Je n'ai jamais autant dit ce que je pensais, ce que je ressentais, qui j'étais.
Je n'ai jamais raconté autant de choses sur moi.
Ce  journal intime ouvert à tous les yeux, quelle étrange expérience ...
Je ne sais pas ce que vous en garderez, je ne sais pas ce que ça vous aura apporté ...
Mais pour moi ça a été un exutoire fantastique.
Un moyen thérapeutique de vider, de vidanger ce qui jusqu'alors restait (trop) sagement enfermé ...
Il n'est plus temps de dissimuler.
Les vrais changements semblent amorcés.
Et ce soir, lorsque débutera une nouvelle année, je sais ce que je vais me souhaiter ...
Continuer.

Et pour vous, pour toi qui passes par là, du fond du coeur j'espère que cette nouvelle page blanche, cette neige sans trace de 365 jours qui s'annonce, t'apportera ce que tu cherches, ce que tu espères, ce dont tu as profondément besoin. De la douceur, de la lumière, de la beauté. des petits et des grands projets, des défis et des envies, des rencontres ou des retrouvailles. De l'amour, surtout de l'amour en fait. Je vous embrasse. Fort.


Crédit photo : Bob


lundi 29 décembre 2014

Buon natale Bob ...



Cette période de l'année, je l'ai toujours plus ou moins détestée.
Lorsque tout le monde rit, parle de l'esprit de Noël, des festivités prévues ou passées, il me semble que c'est toujours difficile pour ceux qui n'entrent pas dans les cases ...
Ceux qui sont seuls.
Ceux qui ont le coeur gros.
Ceux qui sont morts d'angoisse.
Ceux qui sont malades.
Ceux qui sont orphelins.
Ceux qui n'ont pas leurs enfants avec eux.
Tous ceux qui voudraient pouvoir appuyer sur la touche "avance rapide".
J'en fais partie.
Combien de fin d'année à tendre le dos ...
Combien de début d'année à soupirer parce que, enfin, c'est fini.
Tout ce cirque des fêtes ...
Petite, je rêvais d'un noël en famille, je m'en faisais une joie, vraiment.
Mais lorsque nous arrivions chez ma grand mère, j'étais déjà nouée.
Il y avait les cousins.
Ceux des autres familles.
Les familles normales où les parents marchent tout seuls, où ils n'ont pas besoin qu'on les aide pour manger, où l'hôpital n'est pas une résidence secondaire, où les enfants jouent dans l'insouciance.
Je les aimais du fond du coeur, tous.
Mais ils réveillaient en moi le poison de l'envie.
Pas la jalousie, non.
Juste l'envie.
Comme ça devait être bien.
Comme ça devait être bon.
Je rêvais parfois de faire partie de ces familles.
Et ensuite ?
Ensuite je m'en rendais malade de culpabilité bien sûr.
Plus grande, j'ai connu les noëls où l'on n'est plus une famille complète.
Ceux où l'on est invité à droite ou à gauche malgré tout.
Ceux où tu te demandes tout l'automne si on ne va pas t'oublier.
Mais jamais plus aucun où j'ai été, vraiment, inconditionnellement, indispensable à qui que ce soit.
Ca paraît futile et totalement égocentrique, écrit comme ça, à l'arrachée.
Mais si tu réfléchis, la plupart des gens savent qu'ils sont attendus quelque part le soir de Noël.
Que ça ne pourrait pas se faire sans eux.
Que tout le monde serait triste.
Que c'est presque inenvisageable.
Moi je n'ai pas vécu ce sentiment là.
Partout j'étais, d'une façon ou d'une autre, la pièce rapportée.
Partout, je me sentais de trop.
Pas à l'aise.
Pas à ma place.
Te dire que j'ai du mal à vivre aujourd'hui l'esprit de Noël serait un euphémisme.
A la maison, trône un horrible sapin miteux écolo (je ne me referai pas ;)) et je n'ai même pas mis de guirlandes aux fenêtres.
Mais j'ai pris ce pli de devenir plus égoïste.
Pour pouvoir, surtout, donner à ceux que j'aime de tout mon coeur.
A mes trois piliers.
A ma petite famille à moi.
Mon noyau dur.
Mon centre vital.
Je ne veux pas que Noël soit pour eux un souvenir pesant.
Mais je ne saurais pas leur offrir le grand chamboulement de la maison, le calendrier de l'avent, le sapin débordant de cadeaux ...
Ca, je ne sais pas le faire.
Alors j'ai appris à me laisser fonctionner différemment.
J'ai appris à respecter mes besoins.
J'ai appris à partir loin de chez moi dans ces moments là.
Pour qu'ils redeviennent une fête, ailleurs, autrement.
Pour transmettre à mes enfants le bonheur de ces instants partagés.
Je les ai emmenés se perdre avec moi.
Dans la brume vénitienne.
Dans les ruelles mal éclairées.
Dans les recoins et les culs de sac.
On est partis.
Main dans la main.
Coeur au chaud.
On était bien.
On était ensemble.
Ensemble, c'est tout.
Plus personne ne peut me dire aujourd'hui que je n'ai pas de famille.
J'ai la plus belle qui soit.
Celle que j'ai construite.
Celle pour qui je donnerais tout.

Crédit photo : Bob

mardi 9 décembre 2014

Le premier jour du reste de ma vie ...



J'ai longtemps attendu ce moment.
Au fond de moi, depuis toujours, cette sourde angoisse qui me tenaillait.
Et si c'était moi ?
Et si j'étais folle ?
Et si tous mes problèmes venaient de moi, juste de moi ?
Et si je méritais tout ce qui m'arrive de négatif ?
J'ai attendu.
Attendu.
Attendu.
Et puis un jour, enfin, à quarante ans, je me suis ressaisie.
J'ai quitté ma zone de confort.
J'ai changé de programme.
Changé de vie d'une certaine façon.
J'ai décidé que j'étais enfin libre de décider justement.
Ca paraît si simple énoncé comme ça ...
Et pourtant c'est un effort réel.
Un effort considérable.
Mais c'était vital.
Aujourd'hui, je fais ce qui est bon pour moi.
Je cherche.
Je creuse.
Je vide.
Je suis à l'écoute.
Je suis à l'affut même.
Et je m'arme.
De patience, quand il en faut (et il en faut !).
De courage, encore et toujours.
Et je me blinde.
Contre les jugements, les moqueries, ouvertes ou sournoises.
Contre les empêcheurs de rêver en rond.
Contre les rabat-joies de tous ordres.
Et j'avance.
Je suis en route vers moi.
Vers le vrai moi.
Je suis en train d'apprendre à me connaître.
De découvrir qui je suis, vraiment.
Je suis terrorisée parfois.
Mais je me jette à l'eau.
Je saute dans l'eau glacée.
Je plonge en retenant mon souffle.
Je sens mon corps s'enfoncer, presque toucher le fond.
Et soudain j'émerge.
Je revis.
Je ressors.
Tremblante, transie, mais vivante.
Tellement vivante.
J'ai cette chance.
J'en prends conscience.
Et je peux enfin ôter de mon crâne en ébullition cette sempiternelle question ...
"What are U waiting for ?".
Rien.
Je n'attends plus.
Je ne repousse plus l'essentiel à demain.
Je prends ma vie en mains.
Enfin.


Crédit photo : Bob




mardi 25 novembre 2014

A 17 ans, vouloir s'enfuir ...



Je me levais le matin pour aller au lycée.
Parfois, la nuit avait été agitée.
Aujourd'hui je sais, pour avoir eu des enfants, que les nuits peuvent être agités de pleurs, de besoins de consolation, d'appels à l'aide ...
Mais à 17 ans, en fait, je le savais déjà.
Quand mon père s'absentait, j'étais toujours "de garde".
J'étais seule avec elle.
Je dormais avec elle.
Pour être là, au besoin.
Car la nuit, souvent, elle avait besoin d'aide.
Elle avait mal.
Elle avait besoin d'aller aux toilettes.
Elle n'arrivait plus à respirer.
Alors je me levais.
Et j'enchainais les soins.
Au choix : anti-inflammatoires puissants, bassin, aspirateur électrique de mucosités ...
De longues minutes, pour elle comme pour moi.
Et le matin, je me levais pour aller au lycée.
Pas toujours bien fraîche il faut l'avouer.
Pas souvent concentrée sur ce qu'il s'y passait.
Parce que parfois, aussi, la personne qui devait venir me relayer avait tardé à arriver.
Alors j'étais en retard.
Parfois même, je n'y allais pas.
Parce que les personnes que mon père avait engagées ne se présentaient pas toujours pour venir s'occuper de ma mère.
Mon père était déjà parti bosser.
J'étais sensée assurer la transition entre son départ et leur arrivée.
Mais quand personne ne venait ?
Ma mère était tétraplégique et ne pouvait plus parler ni s'alimenter seule.
Je n'ai pas besoin de te dire que je restais ...
J'appelais tous les amis de mes parents, tous ceux qui pouvaient venir me relayer.
J'appelais mais j'avais honte.
J'appelais en ayant l'impression de mendier.
J'appelais avec au bord des lèvres cette vieille nausée.
Et quand une solution était enfin trouvée, je filais au lycée.
"Va chercher un billet !" me braillait le surveillant, maussade.
Et j'allais, penaude, épuisée, chercher mon putain de billet.
"Motif ?" demandait la responsable du bureau.
"Je ne me suis pas réveillée".
Oui, bien sûr, je mentais.
Tu crois quand même pas que j'aurais pu dire la vérité ?
J'avais essayé une fois.
Une seule fois.
J'étais allée parler à la CPE de ma situation familiale.
Je lui avais expliqué que c'était "compliqué".
Cette pudeur quand même ...
Compliqué !
C'était l'enfer en fait, mais comment le nommer ?
"Compliqué" c'était tout ce que je pouvais avouer.
Je l'avais croisée un jour dans un bus, cette CPE, alors que j'allais passer mon mercredi après midi à l'hôpital pour tenir compagnie à ma mère.
Elle savait donc.
Et elle aurait pu essayer de m'épargner les humiliations au lycée.
Elle ne l'a jamais fait.
Au conseil de classe de terminale, malgré mes notes franchement pas mauvaises (étonnamment), je m'étais fait tacler pour de nombreuses demi-journées d'absences.
Le proviseur s'était manifestement régalé.
"Vous n'êtes vraiment pas assidue Mademoiselle T.".
J'étais déléguée de ma classe.
Je lui faisais donc face ce jour là.
J'ai tout pris en pleine gueule.
Il ne m'a rien épargné.
Les moqueries.
Les sarcasmes.
Les clichés.
C'était facile de m'imaginer en vrille : j'étais maigre comme un clou, j'avais des cernes épouvantables, je ne venais pas régulièrement au lycée.
Le prototype de la fille qui fume du shit en forêt et qui va décrocher scolairement.
Personne ne lui avait dit.
Personne n'avait jugé utile de transmettre l'info.
De cette ado épuisée.
De cette jeune fille désespérée qui s'accrochait pour ne pas lâcher.
Qui priait pour pouvoir venir au moins une heure dans ce lycée reprendre un peu de forces auprès de ses copains.
Tout pour ne pas passer la journée seule enfermée avec elle.
C'était tellement dur.
Physiquement.
Moralement.
Une mort lente sous mes yeux.
Un quotidien aussi statique que violent, et moi totalement impuissante.
Franchement m'enfuir c'était vital par moments.
Heureusement il y a eu quelques bulles.
Quelques heures volées à ma condition d'esclave de cette vie de merde.
Pourtant j'ai honte, j'ai vraiment honte de me plaindre.
Car elle, elle n'a jamais pu s'en échapper de cette vie, qui était plus dure pour elle que pour n'importe qui.
Mais parfois, parfois, pardon maman, parfois je n'en pouvais plus ...
Alors je les savourais, ces moments où je pouvais m'échapper.
Comme ce merveilleux après midi à rêver avec Mickey.
A être une enfant, un peu, pour 4 heures seulement ...
Ils ne le savent pas, Dingo et Pluto.
Ils ne le savent pas mais dans leurs mains il y a une fille en liberté conditionnelle.
Une fille qui sourit pourtant.
Mais qui sait que toute cette joie ne va pas durer.
Et que demain, encore, il va falloir recommencer à lutter.

Crédit photo : Y.A. (Que sa route soit pleine de lumière et d'amour, à lui qui m'a bcp donné quand je n'avais pas grand chose à offrir ...)



lundi 24 novembre 2014

Renouer avec le côté clair, aussi ...



Au milieu de ce travail de deuil ...
Au milieu de ces éclats, de ces écueils ...
Il y a aussi des bulles.
Des bulles de bonheur, de douceur, de chaleur.
Il y a le souvenir aussi de cette petite fille qui savait être joyeuse malgré tout.
Il y a les tasses de chocolat chaud, les madeleines, les baisers sur le front.
Il y a les chansons à la guitare, les blagues de mon père, son côté facétieux.
Il y a une vie "normale".
Il y a une "vraie famille".
Il y a l'affection de mes parents.
Comme ils ont pu, quand ils ont pu.
Avant que tout ne dérape un peu trop violemment et qu'on se plante tous dans le décor.
Je veux me souvenir à tout prix qu'il y a eu un avant.
Et que cet avant là, c'était de l'amour.
C'est par cet amour-là que tout a commencé.
C'est avec lui aussi que tout doit continuer.
Je veux que l'amour remplisse ma vie.
Je te souhaite qu'il déborde dans la tienne aussi.
Parce que tout le reste, tout le reste peut mourir.
Mais pas lui.

jeudi 20 novembre 2014

La vie en kaléidoscope ...



Elle est là depuis quelques jours maintenant.
Mais je ne voulais pas m'emballer.
Trop l'habitude de tomber de haut.
Trop l'habitude de perde ce que j'ai gagné.
Trop bien enregistré, ce schéma mental que tout peut arriver.
Et surtout le pire.
Mais ça fait quelques jours alors j'ose en parler.
Je crois que je parviens enfin à toucher du doigt les pierres.
Celles de mes fondations.
Celles cachées au plus profond de moi.
Celles que j'avais verrouillées.
Une fois, cent fois, mille fois.
Celles que je ne voulais pas voir.
Les pierres de taille.
Les pierres angulaires.
Les pierres tombales aussi.
Je crois que je les vois enfin.
Peut être pas toutes.
Mais quand même.
Je les regarde de bien plus près.
Plus près que jamais.
Je vois la porosité.
Je voir les aspérités.
Je vois les traces d'effritement.
Je vois les rainures, les morceaux manquants, les trous parfois.
Je vois les pavés, trop présents, trop pesants.
Mais je vois aussi la surface, devenue douce à force d'érosion.
Et la force, la force incroyable de ces fondations.
Je les regarde.
Je peux même les toucher du bout des doigts, du bout du coeur.
Et je me sens prendre du recul.
Enfin ...
Enfin !

Crédit photo : Bob

mercredi 19 novembre 2014

Le texte que j'aurais rêvé d'écrire ...



Le texte qui te parle de la vie.

Le texte qui te redonne envie.
Qui te pose dans le présent.
Mais aussi dans le passé.
Le texte qui me donne plein de complexes.
Mais surtout l'envie de progresser ...

"Tant qu'on ne sait pas, qu'on ne sait rien
Tant qu'on est de gentils petits chiens
Tant que la petite santé va bien
On n'est pas la queue d'un être humain

Tant qu'on ne sait pas le coup de frein
Qui vous brûle à vif un jour de juin
Tant qu'on ne sait pas que tout s'éteint
On ne donne quasi jamais rien 

Tant qu'on ne sait pas que tout éreinte
Tant qu'on ne sait pas ce qu'est la vraie crainte
Tant qu'on n'a jamais subi la feinte
Ou regardé pousser le lierre qui grimpe

Tant qu'on n'a pas vu le ciel d'étain
Flotter le cadavre d'un humain
Sur un fleuve nu comme un dessin
Juste un ou deux traits au fusain

C'est une chanson, une chanson
Pour les vieux cons
Comme moi, petite conne d'autrefois
C'est une chanson, une chanson, 
Qui vient du fond, de moi
Comme un puits sombre et froid

Tant qu'on ne sait pas qu'on est heureux
Que là-haut ce n'est pas toujours si bleu
Tant qu'on est dans son nuage de beuh
Qu'on ne se dit pas je valais mieux

Tant qu'on n'a pas brûlé le décor
Tant qu'on n'a pas toisé un jour la mort
Tant qu'on a quelqu'un qui vous serre fort
On tombe toujours un peu d'accord

C'est une chanson, une chanson
Pour les vieux cons
Comme toi, petit con d'autrefois
C'est une chanson, une chanson, 
Qui vient du fond, de moi
Comme un puits sombre et froid

Tant qu'on ne sait pas ce qu'est la fuite
Et la honte que l'on sait qu'on mérite
Tant qu'on danse au bal des hypocrites
Qu'on n'a jamais plongé par la vitre

Tant qu'on n'a pas vu brûler son nid
En quelques minutes à peine fini
Tant qu'on croit en toutes ces conneries
Qui finissent toutes par "Pour la vie"".

Benjamin Biolay, La chanson des vieux cons.
Crédit photo : Bob

jeudi 13 novembre 2014

Tout miser sur l'avenir, les pieds dans l'herbe et l'âme au vent.



Ca aurait pu se finir autrement bien sûr.
Oh, je le sais, pour les autres, ça peut paraître des jérémiades.
Ces discours sans fin sur les valises à vider, sur les problèmes à régler, sur les schémas à contrer ...
Ca peut paraître misérabiliste.
Ca peut paraître geignard.
Ca n'est pas ce que je veux.
Ca n'est pas ce que je crois.
Mais il faut bien l'admettre : ça aurait pu se terminer autrement tout ça.
Qu'est-ce qui fait que la petite fille a surmonté tout ça ?
Pas moi, mais la petite fille.
Celle qu'on envoyait au casse pipe en permanence.
Celle à qui on racontait des folies.
Celle qu'on chargeait d'expliquer au monde entier les nouvelles théories.
Je me suis souvenue aujourd'hui, en discutant avec une amie, des cours de catéchisme par exemple.
Mes parents voulaient que j'y aille c'est vrai.
Ils insistaient.
C'était important à leurs yeux.
Mais c'était, pour mon père, comme un terrain de jeu.
Cette enfant qui croyait tout.
Cette enfant qui le plaçait au-dessus de tout.
Cette enfant qui le défendait et le suivait partout, malgré tout.
Pour le catéchisme, il avait une façon bien à lui de m'apprendre les choses.
Quand on me racontait Dieu, le paradis et l'enfer, il s'asseyait ensuite à mes côtés.
J'étais fière et heureuse, à vrai dire ces moments-là n'étaient pas si fréquents, il y avait toujours plus urgent à gérer.
Alors, assise, muette, je buvais ses paroles.
"Ca n'existe pas tout ça tu sais".
Voilà ce qu'il me disait avant de m'y renvoyer.
"Ca n'existe pas et je vais te dire ce qui est vrai".
"Ce qui est vrai c'est que nous sommes tous les vagues d'un seul et même océan".
"Ce qui est vrai c'est que nous allons tous, un jour, nous réincarner. En humain, en animal, en végétal".
"Ce qui est vrai c'est que le karma dirige nos vies. Tout est boomerang. Tes bonnes comme tes mauvaises actions. Tout te revient, tout te reviendra un jour".
Il me racontait ça, tout doucement, avec son beau sourire.
Et ensuite, il me déposait devant chez la dame du caté.
Au front.
Avance petit soldat.
Va annoncer la bonne parole.
Et j'y allais.
Avec toute mon énergie, toute ma foi d'enfant.
Mais je ne croyais pas en Dieu alors.
Ou plutôt, mon Dieu, à l'époque, était encore mon père.
Alors j'y allais.
Et la dame de reprendre : "Le paradis, l'enfer ..." et sa litanie de croyances, de valeurs, et la foi qu'elle défendait légitimement.
Et moi de la contrer, systématiquement, du haut de mes 8 ans.
"Mais nooooon !".
"Ce n'est pas du tout ça Madame, pas du tout !".
"Nous on va se réincarner tu ne le sais pas ???".
"Nous on va redevenir des vagues dans un grand océan voyons !".
Il y avait alors un grand silence.
Il y avait leurs regards.
Ceux de mes camarades.
Perdus ou amusés.
J'étais sans nul doute le clown de service.
Et il y avait les yeux de cette femme.
Pas du tout amusée pour le coup.
Désespérée pour moi en réalité.
Je pense qu'elle a dû prier pour mon salut.
Mais elle n'a jamais parlé à mon père.
Elle m'a renvoyée chez moi, remplie de ses croyances à elle.
Et le jeu de balle a continué pendant des mois.
Je te gave de mes délires.
Et puis je t'envoie diffuser ma Vérité au monde.
A 8 ans, j'étais son petit pion préféré.
Mon père déjà mystique.
Ou plutôt complètement barré.
Se prenait-il déjà pour Jésus ?
Ou pour un apôtre ?
Fréquentait-il déjà des sectes ?
Oui.
En était-il déjà à avoir perdu son libre arbitre ?
Je ne saurais te le dire.
Mais je sais aujourd'hui une chose.
Ca aurait pu se finir autrement toute cette histoire.
Ca aurait pu se finir mal pour cette petite fille.
Le germe de la construction de soi existait, oui.
Mais il l'a consciencieusement piétiné.
Il a semé le doute.
La zizanie.
L'angoisse.
La peur.
Le dédoublement nécessaire.
Je devais être une autre chez moi et chez la dame.
Il fallait sans arrêt s'adapter à chacun.
Répondre aux désirs et à la foi de chacun.
Très tôt, trop tôt, j'ai pris ce pli.
Répondre aux attentes.
Les anticiper.
Les deviner.
Je n'ai pas à me plaindre pourtant.
Mon père ne m'a jamais frappée.
Mon père n'a pas été violent.
Tout ça n'était pas grave, pas si grave non.
Tout ça ce n'étaient que des mots.
Mais à sa façon, je crois, il a été destructeur.
J'ai mis du temps à l'admettre.
Et aujourd'hui, je le revendique.
Mon père, par sa folie mystique perpétuelle, a été destructeur.
Il m'a bourré le crâne d'idées toutes plus folles les unes que les autres.
Il prétendait parler aux morts.
Il prétendait qu'on pouvait vivre en mangeant uniquement des choses crues.
Il prétendait que l'énergie coulait de ses mains et pouvait me sauver.
Il prétendait qu'on était des enfants indigos.
Qu'on avait intérêt à être à la hauteur de la tâche qu'on nous avait confiée.
Dans le cosmos.
Dans l'au-delà.
On était désignés.
On était différents.
Lui, il le savait.
Et moi, moi j'ai eu de la chance je crois.
Beaucoup de chance.
Parce que j'ai surmonté ça.
Parce que je me suis construite malgré ça.
Oh pas forcément comme un immeuble magnifique de 40 étages non ...
Mais je suis debout.
Mais je suis vivante.
Mais je ne suis pas folle.
J'ai construit.
J'ai appris.
J'ai fait des deuils.
J'en fais encore.
Parce qu'il n'est pas question que ça se termine mal cette histoire.
Parce que je te le dis, le pire est derrière moi.
Devant, c'est l'avenir.
Et il me sourit.
De toutes ses dents.

Crédit photo : Bob






L'ouvroir ...


Ouvroir : Sorte d'asile ou de lieu de charité où les religieuses ou les jeunes filles se réunissaient pour travailler pour les pauvres.

Voilà.
On peut dire que ce serait un peu ça cet endroit.
Un ouvroir.
Comme un diminutif.
Comme "on OUVRirait des tirOIRs".
Des portes de placards.
Des boîtes trop longtemps fermées.
Ouvrir et voir.
Ouvrir et laisser voir.
Ouvrir toutes les armoires.
Un jour avec douceur.
Le lendemain au pied de biche.
Une fois avec amour.
Un autre à coups de pieds vengeurs.
Avec tendresse.
Avec colère.
Dans les rires.
Dans les larmes.
En tous cas, ce serait tout le contraire d'un fermoir.
Oui, tout le contraire d'un fermoir.

Crédit photo : Bob

mardi 11 novembre 2014

Et toi, toi qui passe par ici, tu en es où ?




Comment tu vas ?
Comment tu te sens ?
Le coeur, la tête ?
A l'envers ? A l'endroit ?
Bien en place ?
Ou un peu perdu ?
Dans la lumière bleutée du soir ?
Dans celle rosée du matin ?
Tu avances ?
Tu stagnes ?
Tu t'en sors ?
Ou pas ?
Qu'est-ce qui te motive ?
Qu'est-ce qui te maintient ?
Qu'est-ce qui te fait respirer chaque matin ?
Qu'est-ce qui te tétanise ?
Qu'est-ce qui te blesse ?
Qu'est-ce qui te retient ?
Est-ce que je suis la seule à me poser toutes ces questions ?
Est-ce que tu le fais aussi, mais plus secrètement ?
J'aimerais savoir ...
J'aimerais compiler les instants de vie.
Retranscrire les instants d'envie.
Retenir les instants bénis mais aussi ceux maudits ...
J'aimerais pouvoir en faire un kaléidoscope.
En 360°.
Plein feu sur les émotions.
Plein phare sur ton âme et la mienne en interaction.
Et comprendre.
Et te comprendre.
Et tout comprendre.
J'aimerais écrire sans fin sur cette recherche ...
Je ne sais pas si c'est "normal".
Je ne sais pas si c'est "bien".
Mais c'est important pour moi.

Crédit photo : Bob



dimanche 9 novembre 2014

Ce serait peut-être pour aujourd'hui ...




On marquerait le jour d'une belle croix.
On déciderait que ce serait là.
Que ça commencerait ici et maintenant.
"Le premier jour du reste de ta vie".
On dirait qu'on essaierait.
On dirait qu'on y croirait, qu'on pourrait y arriver.
"Il faudrait mettre plus de légèreté dans ta vie".
L'ami cher avait prononcé ces mots, doucement.
Il avait dit ça avec tellement de gentillesse, tellement de bienveillance ...
Il avait raison bien sûr.
Je l'ai entendu.
Je me le suis répété dans ma tête.
Une fois, cent fois.
Je me suis promis d'essayer.
De toutes mes forces.
Après, tout, tant de gens ont l'air d'y arriver si bien.
Alors on poserait les souliers de plombs même les jours gris.
On déciderait de chausser des escarpins qui brillent.
Talons et paillettes, pour les jours de fête.
Le coeur gonflé à l'hélium.
Les joues rosies par le froid d'un ballade ou le chaud d'un verre de bon vin.
Les bougies, les ambiances.
Les soirées tendres et en confiance.
Les "oui".
Les "je t'aime".
Les "tu me manques".
Les "viens on y va".
Avancer.
Encore, toujours.
Ou en tous cas essayer du mieux qu'on peut.
Ce serait peut-être pour aujourd'hui, oui.
Cette légèreté qu'on s'était promis ...

Crédit photo : Bob

mercredi 5 novembre 2014

Les mains tendues, l'âme aux aguets.



Ca se complique parfois.
Je ne peux pas le nier.
Mais parfois c'est si simple.
De tendre sa main.
De donner sa confiance.
D'ouvrir et de connecter son âme, son coeur, à l'autre, vers l'autre.
De tenter d'apprendre.
De tenter de comprendre.
D'avancer en explorateur.
De vouloir découvrir les codes, les fonds.
Comme une cartographie.
Découvrir l'île que représente l'âme humaine.
Certaines îles ont l'air si belles ...
Et sont malheureusement désertiques et inhabitables.
D'autres paraissent parfois arides.
Et en les parcourant, on découvre pourtant un vrai paradis.
Mon âme aime à rencontrer celle des autres.
Je crois que je ne la contrôle pas sur ce point.
Je devrais la freiner, mais j'ai du mal.
Elle me dépasse en fait.
Elle sort par ma bouche, elle s'insinue dans mes mots.
Elle finit toujours par prendre le lead, par s'imposer à moi, et à l'autre.
Elle conditionne mes mains.
Elle les exige ainsi.
Tendues.
Ouvertes.
Pleines.
Douces.
Je ne sais pas si mon âme réussit.
Je ne sais pas ce que ressent l'autre.
Quand ma main se tend, pour le toucher, pour me laisser toucher aussi.
Quand mon âme entre en contact avec la sienne.
Je suis en perpétuelle observation du fonctionnement de l'âme humaine.
Et je crois que je ne m'en lasserai jamais.

lundi 3 novembre 2014

Et puiser des forces en terres bienveillantes ...




Je suis allée la chercher et je l'ai trouvée.
La lumière ...
Cette lumière intense et régénératrice.
Elle est là.
Toujours là.
Quand je ne la sens plus, je sais bien que ça vient de moi.
Elle, elle est toujours là.
Dans les terres bienveillantes.
Dans les regards aimants.
Dans les bras des enfants.
Dans le coeur des amis.
Dans les yeux de l'amant.
Elle est là.
Et je m'en suis nourrie, intensément.
J'ai écouté la mer aussi.
Le va et vient des vagues.
Leur symbolique.
Essentielle, fondamentale.
Ce qui vient repart, toujours.
Ce qui est parti peut revenir, souvent.
Rien n'est définitif.
Rien n'est ancré à jamais.
Rien n'est ineffaçable.
Ou presque rien.
Je veux garder en moi cette idée de la vie.
Je veux la faire grandir.
Je veux m'en envahir.
Rien, rien ne peut nous briser finalement.
Nous user, nous blesser, nous marquer, oui.
Mais pas nous casser au fond.
Je suis vivante.
Je suis debout.
Je suis ancrée.
Mes cicatrices font la beauté de mon âme.
Du moins, c'est ce que moi je crois.
Ceux qui me voient laide avec ces traces ne me comprennent pas, ne me comprendront sans doute jamais.
Tant mieux, tant pis, au fond je crois que je m'en fous.
Je n'ai plus rien à prouver.
Je n'ai plus rien à envier.
Je n'ai plus rien à quémander.
Je suis dans ce moment que la vie me présente.
Où je me reconstruis, où je me reconnais, où je me reconnecte.
Je suis reconnaissante.
Envers la vie.
Envers la mort aussi.
Toutes deux m'ont déjà appris tant de choses.
Mille saveurs, amères ou sucrées.
Et c'est ça, c'est tout ça qui nous nourrit au fond.
C'est tout le sel de la vie.
Aujourd'hui je veux la dévorer.
Quel qu'en soit le prix.

Crédit photo : Bob

lundi 20 octobre 2014

Le vent nous portera ...



Je te laisse.
Je n'ai pas dit que je te quitte.
Mais je te laisse.
Pour un moment.
Long ou cours je ne sais pas encore.
Le seul qui pourra nous le dire c'est le temps.
En partant, j'ai voulu laisser la lumière allumée.
Ici, maintenant, toujours.
Qu'elle soit avec toi.
Qu'elle soit en toi.
Qu'elle te porte, dans les peines comme dans les joies.
Qu'elle inonde ton visage, ton coeur, ton âme.
Moi, je rêve d'être la petite bulle de lumière sur la photo, légère, douce, aérienne.
Je rêve de cette habileté là, à être si flottante, si simple, si soi.
Je rêve, mais pour le moment je crois que je n'y arrive pas.
Pas tout à fait en tous cas.
Pas complètement.
Mais qui sait ?
Demain peut être ?
Ou le jour d'après ?
Tout au fond de moi, j'y crois.
Je crois à la vie.
Je crois à l'amour.
Je crois à l'envie.
Je crois à la force en nous, cette force qui nous pousse, encore, toujours.
Je ne te quitte pas, c'est promis.
Mais je te laisse.
Garde la lumière ancrée au fond de toi.
Je le ferai aussi.
La vie est si belle.
Embrassons la !

Crédit photo: Bob



jeudi 9 octobre 2014

L'élasticité des sentiments ...




Avec les autres, je me suis toujours sentie reliée comme par un élastique.
Le contact se fait, souvent très facilement.
Une connexion rapide.
Intense.
Profonde.
Un lien se noue assez rapidement.
Mais pas un lien souple et confortable, non.
Malheureusement.
Un peu comme un élastique trop tendu si je puis dire.
Je suis très vite très proche.
Trop vite trop proche.
Je (me) donne à 200%.
Je ne sais pas doser.
Peut être même que je suis envahissante ?
Et puis, sans que je comprenne, sans que je sache forcément pourquoi, l'élastique soudain se détend.
Mais trop vite aussi.
Trop fort encore.
Et j'ai l'impression alors d'être loin, très loin.
Et cette distance est, du coup, rendue plus grande encore ...
Ou en tous cas c'est ainsi que je le ressens.
Un problème d'élasticité du coeur ?
U problème de curseur du mental ?
Un problème de dosage des sentiments certainement ...
C'est douloureux.
C'est emmerdant.
Parce qu'après je ne sais plus quoi faire.
Je ne sais plus comment me comporter.
Je me doute bien qu'il faut que j'avance.
Mais dis-moi, dis-moi, pour avancer sans être ni trop proche ni trop loin des autres, dis moi, on fait comment ?

samedi 4 octobre 2014

Elle est là et elle gronde ...


Depuis quelques jours je la sens monter en moi.
Sournoise, elle se présente d'abord comme une légère irritation.
Puis elle augmente et devient une somme de petites contrariétés.
Elle enfle, et j'ai soudain l'impression que le monde entier me pousse à la laisser exploser.
Ceux qui te disent "j'ai pensé à toi pour ce projet" et dont tu n'entends plus parler.
Ceux qui te disent "bien sûr que je vais t'appeler" et ne le font jamais.
Ceux qui te disent "tu peux compter sur moi" et qui te plantent quand tu as besoin d'aide.
Ceux qui te disent "oh j'aimerais tant qu'on se voit" mais ne te proposent jamais de les retrouver.
Ceux qui te disent "non mais bien sûr tu as raison mais moi à ta place voilà ce que je ferais".
Et, surtout, par dessus tout, ceux qui te remettent entre les pattes tes difficultés.
Ils sont tous bien intentionnés.
Ils sont tous plein d'affection ou d'amitié.
Ils sont tous en train d'agir de bonne volonté.
Disent ils.
Et c'est peut être, et c'est sans doute, de leur point de vue, tout à fait vrai.
Mais moi, en face, je me prends tout de plein fouet.
Et ça réactive de façon terrifiante toutes les blessures de mon passé.
Et je voudrais crier.
Je voudrais rugir.
Je voudrais hurler.
Je voudrais qu'on me traite avec respect.
Je voudrais qu'on arrête de m'oublier.
Je voudrais ne pas être la cinquième roue du carrosse.
Je voudrais ne pas être la chaussette oubliée derrière un radiateur.
Mais il faut croire que quelque chose en moi autorise ça.
Ou l'attire.
Ou le laisse arriver.
Comme lorsque j'étais enfant.
Comme pour tout ce que j'ai dans ma vie subi et / ou accepté.
De ma mère.
De mon père.
Des marâtres.
Des employeurs.
Des amis plus ou moins vrais.
Des relations plus ou moins virtuelles.
Je crois que j'ai tant voulu qu'on m'aime que je me suis toujours présentée comme la fille gentille et toujours bienveillante à qui on peut tout dire, tout faire, qui peut tout accepter par amour ou par amitié.
Mais je ne veux plus de ça.
Je ne veux plus qu'on me marche sur les pieds.
Je ne veux plus me sentir abandonnée.
Je ne veux plus me sentir trahie.
Je ne veux plus me sentir humiliée.
Je ne veux plus me sentir manipulée.
Aujourd'hui, ça ne marche plus.
La colère est là, bien là.
Elle gronde en moi.
Et elle semble prête à me faire exploser.
Il va falloir la canaliser.
Et il va falloir travailler sur moi.
Parce que je ne sais, je ne le sais que trop bien.
Ce ne sont pas les autres qui vont changer.
Ce ne sont pas les autres qui doivent changer.
C'est à moi.
A moi de poser les limites.
A moi de formuler mes souhaits.
A moi de dire ce que je ressens, quitte à en être moins aimée.
Maintenant, aujourd'hui, à l'avenir, je l'ai compris et il va falloir l'appliquer.
Maintenant, aujourd'hui, à l'avenir, c'est à moi de jouer.

jeudi 2 octobre 2014

Octobre rose ... et tempête rose !





Alors voilà.
C'est l'histoire d'une fille qui un jour ouvre un blog, pour parler de ce qu'elle a sur le coeur.
Pour soulever les tapis, sortir les cadavres du placard, crever les abcès, briser les non dits.
C'est l'histoire d'une fille, d'une femme, qui a eu peur, vraiment peur de faire tout ça au début.
Mais qui en a ressenti le besoin.
Le besoin de se mettre à nu.
Pour parler d'elle, sincèrement et profondément.
Pour être elle-même, tout aussi intensément.
Par les mots, par les souvenirs, par les photos quelquefois, cette femme-là s'est dévoilée plus qu'elle ne l'avait jamais fait.
Parce que c'était le moment, le bon moment.
Parce qu'il fallait le faire.
Et un jour cette femme là en a croisé une autre, en tous cas virtuellement, qui lui a lancé un superbe défi.
L'an dernier, dans le cadre de la campagne Octobre Rose visant à promouvoir le dépistage du cancer du sein, elle a proposé aux femmes qui le voulaient de montrer leurs seins.
Et de créer ainsi une mosaïque de seins, ceux épargnés comme ceux touchés par la maladie.
Pour inciter toutes les autres à montrer leurs seins, elles aussi, et à faire un dépistage ou une mammographie.
L'an dernier, j'ai trouvé le projet courageux, très courageux même, mais je n'ai pas osé.
Je suis restée là, à venir admirer tous les jours le nombre d'inscrites augmenter.
J'ai pensé aussi, j'ai pensé surtout, au courage de toutes les femmes, mères, filles, soeurs, touchées par cette terrible maladie.
J'ai eu honte un peu je dois l'avouer.
Honte de mon manque de courage à moi, alors qu'elles affrontaient le pire.
Mais c'était trop tard.
Je n'avais pas participé, je n'avais pas osé.
Alors, quand cette année Armelle a décidé de relancer son opération, j'y ai repensé.
J'ai pensé à celles qui, aujourd'hui, autour de moi, sont en lutte.
Des femmes que j'aime, des femmes que j'admire, des femmes pour qui j'ai peur même si je ne dois surtout pas leur dire ...
Et il ne m'a pas paru possible de refuser.
Alors cette année, j'ai agi.
J'ai fait comme 171 autres femmes.
J'ai pris en photo mes seins.
Pas ma (petite) poitrine dans une pose sexy.
Mes seins.
Ceux qui nourrissent les enfants.
Ceux qui me font femme aussi.
Oui je les ai pris en photo.
Ca n'a pas été facile.
J'étais gênée.
Je n'ai pas l'habitude je te rassure (ou pas).
Et puis je ne les trouve pas forcément très jolis.
Mais je les ai immortalisés.
Puis je les ai montrés.
A Armelle, et à tout le monde aujourd'hui.
Et maintenant, comme 171 autres, je vois mes seins sur cette affiche.
J'imagine les sourires plus ou moins bienveillants, j'imagine les remarques, les petites blagues en douce au café ou au dîner : "putain t'as vu elles ont montré leurs seins elles sont quand même un peu dingues / exhib / débiles / impudiques / sexuelles / connes / impudiques (rayer la mention inutile).
J'imagine tout cela et je suis presque sûre que tout ça sera dit.
Mais si quelque part, en voyant cette mosaïque, une femme, une seule femme au moins, se décide à prendre rendez-vous pour se faire examiner par son médecin et, au besoin, passer une mammographie ... alors on aura eu raison.
Toi qui me lis, je voudrais t'adresser ce message aujourd'hui.
Si tu es une femme, fais le.
Appelle ton gynéco, fais le point avec lui, vois ce qui doit être fait, et ... fais le !
Si tu es un homme, fais le aussi, à ta manière.
Parles-en à ta femme, à ta soeur, à ta mère, à tes amies.
Dis leur de faire le nécessaire.
Dis leur que ce n'est pas une fatalité.
Dis leur que plus on repousse le moment, plus on prend de risque.
Dis leur que la vie est trop belle, bien trop belle, pour prendre ce risque.
Dis leur, il faut leur dire, aujourd'hui.
Et puis, tant que tu y es, dis leur que tu les aimes.
Même si elles le savent déjà, ça leur fera du bien que tu leur dises ...

Crédit photo : Armelle http://www.blondeparesseuse.com
A toi qui a eu le courage de lancer ce défi, une nouvelle fois, bravo ... et merci !

mardi 30 septembre 2014

Il est temps ...



Il est temps.
Il est grand temps maintenant.
Grand temps de ....
Rire à gorge déployée.
Etre soi même.
Avec soi même.
Avec les autres.
Dire qui l'on est.
Dire ce que l'on pense.
Dire ce que l'on ressent.
Sans honte.
Sans crainte.
Sans ambages et sans faux semblants.
Avancer.
Ne plus avoir peur.
Ne plus se retenir.
Ne plus se mentir.
Ne plus s'étioler, à force de masques et de regrets.
Etre soi même.
Envers et contre tous.
Envers et contre soi.
Et puis peut être, un jour, en vers et avec soi.
Avancer.
Oui.
Devenir libre.
Vraiment.
Etre sincère.
Absolument.
Résolument.
Tant pis quand ça grince.
Tant pis si ça dérange.
Tant pis si ça bouscule les idées qu'on avait sur toi.
Tant pis si ça ternit l'image qu'on avait de toi.
Avancer.
Ouvrir un à un les chakras.
Une à une les portes.
Du monde.
De ton coeur.
Laisser entrer la lumière.
Partout.
Tout le temps.
Même la lumière grise.
Même celle qui fait des ombres.
Même celle dont on a peur, trop faible, ou trop vive au contraire.
Avancer.
C'est finalement le seul mot d'ordre.
Avec un autre malgré tout.
Avec un autre au dessus de tout.
AIMER ...

mercredi 24 septembre 2014

Les vacances en solo c'est "paddle la tarte", ou Bob Richard à la mer ...


La rentrée scolaire c'est un peu le moment phare de l'année pour ceux qui ont des enfants.
En fait, pour être exacte, il y a deux mois totalement dingues dès que tu as des mômes : juin, où on te colle toutes les fêtes de l'école, la crèche, la musique, la danse, le judo, le théâtre, les NAP, les TAP, (raye la mention inutile), et septembre, où tu dois justement mettre en place toutes les inscriptions qui te conduiront ... à détester juin ! Et c'est formidable, la boucle est bouclée.
Tous les ans, on frise l'ulcère, et encore moi je n'ai que deux enfants, j'ose pas imaginer la gestion de dingue qu'il faut se fader dans les grosses fratries ...
Alors cette année, quand ma copine M. m'a appelée pour me faire la proposition de ma vie (j'exagère à peine tu commences à me connaître), j'ai bondi de mon siège !
Elle, elle a tout compris.
Tous les ans, elle part juste après la semaine de la rentrée une semaine sur l'Ile de Ré, faire du surf, sans mec et sans minots !
Le-truc-de-dingue !
Et cette année, elle m'a proposé de m'emmener.
J'ai fait semblant d'hésiter deux secondes.
Et puis j'ai sorti mon cerveau de sa boîte pour trouver une organisation tellement béton que mon mec ne pourrait pas décemment refuser de me laisser partir ...
Le projet ensuite était simple : on partait en bagnole toutes les deux, et sur place, on retrouvait un prof de surf qui nous drivait toute la semaine.
Oui tu vas me dire : "Putain du surf quand même ? Je te voyais pas faire ça".
Moi non plus à vrai dire.
J'en ai fait déjà, si si je te jure.
J'en ai fait pour être précise il y a quelques années, un stage de deux heures par jour dans les Charentes, dont je garde l'impression d'un cycle long avec prélavage.
(Je veux dire par là que j'étais comme dans un tambour de machine à laver, et que j'ai bu environ mon poids en eau de mer en trois jours).
Et tout ça pour rester 12 secondes sur la planche et me laisser, à chaque fois, emporter par mon cul (les lois de l'attraction ont toujours eu raison de moi ces salopes).
Bref, j'ai kiffé il est vrai, mais je reconnais quand même que c'est un sport assez ingrat.
Ceci dit, la perspective d'avoir une semaine de vraies vacances, totalement égoïstes (donc sympas), les premières depuis .... hé ben 13 ans quand même, m'ont convaincue que j'étais sans nul doute une championne de surf !
Je lui ai donc glissé que j'étais la candidate idéale.
J'ai omis (pas tout à fait volontairement, nooooooon) de préciser que j'avais peur de tomber, que je ne pouvais même pas mettre ma tête sous l'eau sans boucher mon nez (oui, un peu comme une enfant de 5 ans), et que je ne nageais que la brasse (coulée éventuellement, pour faire style genre).
Elle m'a trouvée formidable.
Elle a dit oui, j'ai dit oui.
Et on est donc parties.
Thelma et Louise.
Enfin Thella et Mouise (et je ne faisais pas Thella bien entendu).
Arrivées sur l'ile de Ré, on a été accueillies par ce constat sauvage et brutal : il n'y avait ... pas de vagues.
Mais genre zéro quoi.
Alors certes, les amateurs de surf vont se marrer et me dire que, de toutes façons, l'île de Ré c'est pas vraiment connu pour être le meilleur spot pour la glisse.
Mais justement, pour moi qui débutait, ça semblait parfait.
Seulement voilà.
Pas de vagues, pas de surf.
Pas de surf, pas de vacances ?
Oh que non, on n'allait pas se laisser abattre comme ça !
On a donc rapidement opté pour le plan B : le paddle.
Le paddle c'est super chouette, même quand il n'y a pas de vagues : tu te déplaces sur cette grande planche en pagayant debout, Estelle Hallyday fait ça très bien apparemment, moi j'étais moins gracieuse mais on s'en foutait un peu étant donné qu'il n'y avait que des retraités sur la plage et que donc choper n'était même pas envisageable (oh ça va je décooooonne).
On a testé le paddle le jour même de notre arrivée et je ne suis tombée que deux fois, en plus à des endroits où j'avais pied.
C'était indiscutablement le paradis.
Toute la semaine qui a suivi, on était malgré tout en étroit contact avec le prof de surf pour savoir s'il y avait assez de vague (au moins une donc) pour tenter une sortie.
Toute la semaine, ma copine M. a mis des cierges à Sainte Rita pour que la mer se décolle un peu le cul et donne autre chose que du clapotis de merde.
Toute la semaine, j'ai soufflé sur ses cierges en priant pour que ça continue comme ça et que je n'aie pas à refaire un cycle "synthétique sans prélavage" ...
Et c'est moi qui ai gagné ;) !
Du coup, on a eu plein de temps pour faire du paddle.
Dès le deuxième jour, elle m'a dit qu'un ami allait nous rejoindre et qu'il pourrait nous apprendre plein de choses.
En effet, le fameux E. vit sur l'île de Ré où il est saunier (c'est à dire qu'il récolte le sel) depuis 30 piges, il était prof de planche à voile et de surf, et accessoirement il navigue sur un paddle depuis que j'ai appris à marcher à peu près.
Je l'attendais donc un peu comme le Messie, comme celui qui allait faire de moi une pro de la pagaie.
(et ça m'aurait changée moi qui suis une pro de la pagaille mouarf mouarf mouarf)(pardon pour le niveau de la vanne)
Lorsqu'il est arrivé, j'ai eu heu ... un choc.
Certes, E. est baraqué, bronzé, souriant, il approche gentiment de la cinquantaine, il a un humour de dingue et une grande culture.
Il est presque parfait en fait.
Il y a juste comment dire ?
Ce léger, ce menu, cet insignifiant petit détail qui m'a un peu déstabilisée : E. a une façon de se vêtir (ou de se dévêtir devrais-je dire) assez atypique.
Le premier jour, il est apparu tel que tu le vois sur la photo : un shorty en lamé or zébré, une vieille ceinture rouge dans laquelle il glisse sa canne à pêche, son paddle au bout du bras, prêt à partir pour des heures sur l'eau.
Tu vas me dire que son look est assez marqué.
Tu auras à la fois raison et tort.
Car les jours suivants, il a repoussé à chaque fois les limites.
On a eu, au jour 2, le shorty en lamé argent.
Pas mal.
Mais moins surprenant.
Je commençais presque à douter de sa réputation dont on avait écho en écoutant les blas-blas sur la plage.
Le jour 3, j'ai quand même été contrainte de fermer ma bouche à son arrivée.
Il arborait un superbe string noir.
Comme il pagaie beaucoup plus vite que moi, j'ai donc eu une vue sur ses fesses durant les deux heures qu'a duré la promenade.
Mais pourquoi tu es restée derrière me demanderas-tu ?
Hé bien je vais t'expliquer : c'était encore plus space de face.
Parce que le string, figure-toi, était affublé d'une fermeture éclair.
Oui, tu visualises bien : un string, donc les fesses à l'air vu de dos, et un zip prêt à laisser sortir son attirail vu de face.
La grande classe.
Evidemment, tout ça le fait beaucoup rire, il est à fond dans la provoc et se régale de la tronche en biais des "gens comme il faut" qu'il croise sur la plage.
Moi je me bidonnais, et avec ma copine M., on pariait pour savoir si il pouvait encore élever le niveau, déjà assez high quand même.
Il a réussi je dois l'admettre.
Le jour 4, après un set de paddle, il a posé sa planche dans le sable pour aller se baigner.
On était déjà dans l'eau avec M., on papotait gentiment en regardant si on ne voyait pas de méduses s'approcher de nos cuisses de nymphes (notre hantise)(les méduses hein, pas nos cuisses).
Quand on a commencé à entendre sa voix, on a tourné la tête vers lui et on l'a vu entrer dans l'eau.
A poil.
Pas en shorty lamé, pas un string zippé, non.
A POIL.
Et là, il s'est approché et a commencé à nous faire la conversation, le plus simplement et le plus naturellement du monde.
Ca a duré environ 30 minutes.
Trente minutes sur lesquelles j'en ai passé au moins 29 à me répéter mentalement cet incroyable mantra : "surtout ne baisse pas les yeux ne regarde pas sa bite, surtout ne baisse pas les yeux ne regarde pas sa bite, surtout ne baisse pas les yeux ne regarde pas sa bite !".
Un vrai travail bouddhiste.
Du coup, toute la semaine, on n'a presque parlé que de ça : avant la plage, après la plage, on avait toujours un commentaire ou un pari à faire, franchement il nous a régalées, c'était trop sympa de sa part !
Je garde par exemple un souvenir ému de cette soirée où il nous a emmenées récolter de la fleur de sel dans son marais, et où je l'ai donc suivi, tandis qu'il se tenait accroupi en string devant la succession de bassins où il testait le profondeur de l'eau ...
J'ai rarement autant ri de ma vie !
Rarement rencontré quelqu'un d'aussi généreux aussi : intéressant, sympa, open minded ...
Finalement un bonheur ce mec-là.
Honnêtement je ne pouvais pas ne pas écrire sur lui, parce que tous les jours, j'avais cette réplique en tête, que je voulais pouvoir écrire pour toi : "Tu t'mets toujours à poil pour citer Saint-John Perse ?".
Toute ma semaine, je n'ai pensé qu'à ça.
Mais il y a autre chose en fait.
Tu te poses sûrement la question je le sais.
Ne fais pas semblant avec moi va.
Rhaaa tu brûles que je te le dises n'est ce pas ?
Si je n'ai tenu que 29 mn sur les 30, est-ce que j'ai baissé les yeux, hein c'est ça ???
Hé bien ... oui !
J'ai craqué.
Et ce que j'ai vu m'a déroutée figure-toi.
Le gars n'avait aucune trace de démarcation du maillot.
Au-cu-ne.
Ni derrière, ni sur les côtés .... ni devant !
Du coup, je n'ai pas pu résister.
Je l'ai rebaptisé.
Comment je l'ai appelé ?
Réfléchis.
Non, pas bite-en-bois voyons !
Je voulais trouver pour lui un nom à sa mesure, un nom de rebelle, un nom de chef indien ...
Et ça m'est venu, ce soir-là, dans le marais, en le voyant récolter la fleur de sel au soleil couchant.
Tu ne trouves pas ?
Tu ne devines pas ?
Moi en le regardant je ne pensais finalement plus qu'à ça !
"La raie dorée de l'île de Ré" !
C'était parfait, c'était magique, c'était ... impeccable !
Nul doute que je ne pourrai pas l'oublier, mais du coup, avec ce surnom, je pense que lui aussi se souviendra de moi ;) !

lundi 22 septembre 2014

Ca fait 22 ans aujourd'hui ...


Ca fait 22 ans qu'elle est morte.
J'ai réalisé ça tout à l'heure.
La journée se traînait, sans grande énergie, mais sans mélancolie.
Une journée comme une autre.
J'avais oublié.
Oublié quel jour on était.
J'ai eu le déclic en pensant à une belle date : l'anniversaire de ma copine Roca, née un 22 septembre.
Et puis, comme un miroir dans mon inconscient, est revenue la date moins aimée évidemment.
Le 22 septembre 1992.
C'est ce jour là qu'elle s'est éteinte.
J'ai rapidement calculé mentalement.
Le chiffre m'a frappée symboliquement.
Et j'ai eu envie, soudain, de revoir les photos.
Celles de mon enfance.
Les quelques photos, un album par enfant, qui ont échappé au désastre de notre vie de famille, aux drames multiples et aux nombreux déménagements ...
Et puis je ne les ai pas trouvées.
J'ai manqué d'air soudainement.
Si je les avais perdues !
Si je ne les trouvais plus ?
J'ai si peu de photos d'elle, si peu de photos d'elle et moi ...
J'ai retourné la maison et j'ai poussé un ouf de soulagement.
Les albums étaient dans le grenier.
Bien abîmés, mais toujours là.
Je suis descendue, et puis j'ai ouvert.
Et, en même temps que je tournais les pages jaunies, j'ai senti que s'ouvraient les vannes.
Je n'ai pas su quoi faire de ça.
Pas su comment calmer mes larmes.
Alors je me suis assise devant l'ordinateur et je suis venue me réfugier ici, chez moi.
Et je suis là maintenant, à nu, devant toi.
Tu ne me vois pas mais tu sais.
Si tu l'as déjà vécu tu sais.
Tu sais l'enclume sur le coeur et le corps.
Tu sais les sanglots, les hoquets, l'eau salée plein les joues.
L'envie de te rouler en boule.
L'envie de disparaître, de ne plus être toi.
L'envie de tout oublier, pour ne plus ressentir cette douleur dans le thorax.
Si tu l'as vécu aussi, tu ne sais que trop bien tout ça.
Si tu ne l'as pas vécu, profite, profite à fond de ce que tu as.
Parce qu'après ...
Après c'est fini.
Après c'est trop tard.
Après tu n'as plus que quelques photos cornées, et des larmes qui coulent lentement sur tes joues pendant que tes doigts s'agitent sur le clavier.
Des larmes qui brouillent ta vue.
Qui brouillent cette image.
Celle du bonheur, ou celle qui y ressemble en tous cas.
Je suis si petite dans ses bras, et mon frère si beau.
Elle, elle a ce sourire.
Ce sourire incroyable.
Et elle me serre contre elle.
Elle me serre fort dans ses bras.
Et soudain je crois que je pourrais tout donner, tout pour la sentir me serrer encore une fois.
Et je pleure ce manque là.
Je pleure comme une enfant.
Je pleure comme si c'était survenu hier.
Je pleure comme j'ai pleuré la première fois.
Ca fait 22 ans qu'elle est morte.
Et tu vois, certains jours, je crois que je ne m'y habitue pas.

jeudi 18 septembre 2014

Cet été, j'ai fait une tentative ...



J'ai écrit un texte, pour répondre à un concours sur un site de magazine féminin ...
Je ne l'ai pas publiée au moment opportun.
Mais aujourd'hui, j'ai eu envie de vous la faire lire, cette petite nouvelle.
Il y avait juste un thème à respecter, en quelques mots : "Ca fait deux heures qu'il l'attend ..."
Si le coeur vous en dit, je veux bien votre avis ...
Je vous embrasse !
              
                ***              ***             ***

Ca fait deux heures qu’il l’attend, assis sur un siège en formica jauni saturé de graffitis.
Par la baie vitrée, il regarde les silhouettes se succéder, pressées et emmitouflées.
Il ne bouge pas.
Il ne peut plus bouger.
Il en a perdu la force après s’être subitement levé du siège sur lequel il commençait à devenir fou.
D’une voix un peu étranglée, il avait annoncé à sa femme qu’il avait besoin de prendre l’air et qu’il allait à la cafétéria.
Pour qu’elle puisse le rejoindre après si elle voulait.
Lui ne pouvait plus rester.
Même s’il se sentait lâche.
Même s’il se détestait.
Même s’il était rongé par la culpabilité.
C’était devenu trop dur pour qu’il puisse encore encaisser.
Aujourd’hui sa fille avait 10 ans.
Et c’était sa treizième opération.
Il ne se souvenait plus en détail des premières.
Mais il ne parvenait pas à oublier la dernière.
Ce jour-là, sa femme était seule, et c’est elle qui lui avait tout raconté le soir quand il était venu la chercher.
Comme à chaque fois, elle avait discuté avec l’anesthésiste de garde avant l’opération pour lui expliquer.
Que leur fille avait un syndrome particulier.
Que son métabolisme aussi, était particulier.
Qu’elle avait des veines si fines, si fragiles, qu’il était inutile d’espérer la piquer comme un enfant « normal ».
Elle avait tout présenté, exposé, justifié.
Elle connaissait par cœur les raisons médicales, et maîtrisait hélas son sujet sur le bout des doigts.
Elle avait même fait ajouter une lettre au dossier, d’un généticien qui avait accepté d’attester de cette spécificité.
Et elle avait conclu : « Je sais que ça va vous paraître un peu barbare, mais c’est dans la jugulaire qu’il faut la perfuser ».
Il avait haussé un sourcil et répondu qu’il savait piquer les enfants.
« Oui mais peut être pas ce genre d’enfant ? » avait-elle doucement ajouté.
Il était parti avec un sourire moqueur, celui qu’on réserve aux mères un peu névrosées.
Et elle avait attendu, ventre noué, cœur serré, qu’on lui ramène sa fille adorée.
Lorsque la porte s’était ouverte quelques heures plus tard, le sol s’était dérobé sous ses pieds.
Sa fille était couverte d’impacts.
D’impacts et d’hématomes violacés.
Creux des coudes, bord du bras, poignets, chevilles, genoux même, pour finir par une trace dans le cou … dans la jugulaire évidemment.
Il avait piqué partout.
Il avait tout essayé, tout tenté.
A plusieurs reprises parfois.
Il avait voulu lui monter qu’il savait, qu’il maitrisait.
Et il s’était acharné sur ce petit corps fluet.
Ce corps couvert des stigmates de son orgueil et de son manque d’humanité.
Essayant de trouver un linge pour essuyer le sang, elle ne s’était même pas rendu compte qu’elle s’était mise à pleurer et que les larmes coulaient sur le drap qui tentait de cacher ce qu’il avait fait.
Le message était clair.
Elle le ressentait de tout son être.
Elle n’était rien, ne méritait pas qu’on l’écoute, ne pouvait pas savoir mieux qu’un vrai professionnel de la santé bien sûr.
Sa fille n’était rien, juste une patiente pénible à opérer, une enfant dont personne ne comprenait les troubles et qu’aucun médecin n’avait vraiment envie de soigner.
Personne ici ne les considérait en fait.
Ce jour là, pour l’hôpital, l’opération s’était parfaitement déroulée.
On lui avait rendu sa fille après avoir fait ce qu’il fallait.
Mais pour sa femme, et pour lui, qui les avait ensuite retrouvées …
Il n’oublierait jamais la douleur, la colère, le sentiment d’injustice qui les avait, durant des nuits, tenus ensuite éveillés.
Ce coup de poignard au cœur qu’on leur avait infligé.
Comme si ce n’était pas assez difficile, comme s’ils ne souffraient pas déjà assez.
C’est à ça, à tout ça, qu’il repense tristement en regardant son gobelet de mauvais café.
Pourvu qu’elle aille bien.
Pourvu qu’elle se réveille.
Pourvu qu’ils ne l’aient pas encore charcutée.
Pourvu que sa femme vienne vite à ses côtés boire un café et se réchauffer.
Ca fait deux heures qu’il l’attend et il commence à sentir le vent tourner.
Alors il se lève et se dirige vers le bâtiment D.