mardi 6 janvier 2015

L'ombre du vent ...



J'ai beau savoir que je n'aurai plus de nouvelles.
J'ai beau l'avoir accepté, et même en avoir fait mon choix.
J'ai beau avancer dans la vie comme une orpheline qui s'assume.
Parfois, elle plane au dessus de moi.
L'ombre de mon père ...
Pourtant je pense rarement à lui.
Je me surprends même à l'oublier la plupart du temps.
Les enfants me questionnent peu.
Les amis savent désormais.
Il est celui qui est parti.
Il est celui qui a trahi.
Il est celui qui a rompu, qui a menti, qui s'est enfui.
Comme un lâche.
Mais son ombre me revient, par l'intermédiaire des autres.
La famille parfois me questionne.
Ou me renvoie à mon passé.
Sans intention aucune, non.
Mais parce que mon histoire appartient finalement à l'histoire de notre famille.
On n'y peut rien.
C'est un fait.
J'ai reçu cette semaine un ouvrage.
Le livre de la vie de ma grand mère.
Sa "saga" comme elle l'a appelé.
Ecrite par elle, avec photos à l'appui.
Elle y raconte sa vie, si remplie et ô combien émouvante.
Mais le vrai choc a été de découvrir qu'elle raconte aussi la mienne.
Ce qu'elle en a perçu.
Ce qu'elle en a retenu.
Et de lire, sur ce papier glacé, les traces des épreuves de mon passé ... c'était bouleversant.
Tout y est consigné, mais sous un autre angle de vue que le mien bien entendu.
La maladie de ma mère.
Son décès.
Les suites.
Les efforts pour nous en relever.
Puis la dégringolade avec mon père.
Cette descente aux enfers.
Nos tentatives à tous pour le ramener à la raison.
Nos échecs.
Flagrants.
Nombreux.
Finalement inexorables.
Sa fuite dans les bras de cette femme, puis dans le coeur de cette secte.
Des moments que j'avais occultés, oubliés, enfouis.
Des mots si durs prononcés par lui.
Des mots de désamour total.
Des mots reniant son rôle de père, sa fonction, son lien même avec ses enfants.
Son mariage auquel il m'a interdit d'assister.
En prétextant auprès de ses invités que j'étais malade.
Sa maison (notre maison) vendue en secret dans mon dos.
Ses souvenirs (mes souvenirs) balancés aux oubliettes.
Et son souhait de ne plus jamais me revoir.
Ce souhait écrit en noir sur blanc.
Et expédié en LRAR.
Ce jour-là sincèrement, j'ai cru que c'était fini.
Mais je m'étais bercée d'illusions.
L'ombre de mon père a continué de planer dans ma vie.
La mort de ma mère lui avait hélas donné une place au sein même de ma famille maternelle.
Il a fallu tenter de le joindre à la mort de ma grand mère, pour la succession.
Il a fallu le recontacter à la mort de ma grand tante, dont il héritait aussi des babioles.
C'est comme si la vie avait voulu nous séparer définitivement, tout en me rappelant régulièrement cette rupture ...
Pour le cas où j'aurais oublié peut être ?
Les coups ont été nombreux.
Jamais physiques.
Mais tellement violents.
Quand ton père tente de te voler ce qui te revient.
Quand ton père décide de renier jusqu'à ton existence.
Quand ton père te dénigre, te déteste, te renie.
Faut-il alors regretter son absence ?
Faut-il chercher son ombre dans les ruelles, comme une enfant inconsolable ?
Non.
Non il ne le faut pas.
Je ne le cherche pas.
Je ne le cherche plus.
J'accepte que son ombre plane encore sur ma vie.
Je n'ai pas vraiment le choix au fond.
Car il est celui par qui tout a commencé.
Car il est celui qui a aimé celle qui m'a tant aimée, celle que j'ai tant aimée.
Mais cette ombre n'a plus de poids pour moi.
J'ai décidé qu'elle ne pourrait plus m'atteindre.
J'ai fait le deuil de ce papa.
Ne reste plus que l'ombre de mon père.
Et elle n'est plus, et ne sera plus jamais pour moi, que l'ombre du vent ...

Crédit photo : Bob

1 commentaire:

  1. ton travail de reconstruction est fort, ta résilience est tellement belle...
    je t'embrasse copine

    RépondreSupprimer