jeudi 30 juillet 2015

Hold on please, we are trying to connect you ...



C'était hier soir, à l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle.
Il était 21h30, et je me dirigeais le coeur un peu lourd vers la voiture avec un morceau de famille.
Les 2/3 en fait.
Je venais de remettre le premier tiers dans un avion en direction de Munich.
Mon fils de 12 ans, qui partait rejoindre des copains pour un périple de 10 jours de camping car à travers l'Allemagne.
Un projet hyper chouette.
Mais j'avais le coeur gros.
Il était rentré par un autre avion à 16h le jour même, d'un séjour de 10 jours en Ariège.
J'avais donc eu quelques petites heures volées seulement, dans ces 3 semaines de séparation.
J'étais heureuse pour lui bien sûr, mais j'avais envie de le serrer encore un peu dans mes bras, de poser ma tête contre la sienne et de l'entendre ricaner comme un merveilleux ado qu'il était.
L'avion pour Munich a décollé, il fallait reprendre la voiture et rentrer, dans cet aéroport, plus rien ne nous attendait.
Je trainais les pieds derrière mon homme et ma fille, à moitié groggy, en direction du parking.
Ce n'est qu'une fois arrivée à la voiture que j'ai réalisé que nous avions plus d'une heure de route avant de rentrer chez nous.
Il fallait que je passe aux toilettes.
Oui, cette information a son importance.
J'ai donc planté tout le monde pour remonter à la surface et chercher le lieu dont j'avais tant besoin.
J'ai trouvé les toilettes.
Immenses, impersonnelles au possible, comme dans n'importe quel aéroport en fait.
Des rangées de portes fermées.
J'en ai ouverte une au hasard.
Mais y a-t-il un hasard ?
Je me suis déshabillée, et c'est alors que je l'ai vu.
Un objet, un petit objet rouge.
Posé sur le dévideur de papier.
Un téléphone portable.
Modèle démodé, basique, sans valeur.
Marchande en tous cas.
J'ai tout de suite pensé qu'il ne pouvait appartenir qu'à un vieux ou un très jeune en fait.
Je me suis demandée comment le retrouver.
Je suis ressortie des toilettes et j'ai réfléchi un court instant.
Il fallait fouiller, pas d'autre solution.
Alors j'ai consulté le répertoire, le journal d'appels, tout ce que j'ai trouvé.
J'ai fini par me décider à appeler le dernier numéro composé, un appel émis par le propriétaire du téléphone à peine 15 minutes plus tôt.
Je suis tombée sur une dame âgée, qui au début n'a pas compris qui j'étais.
J'ai expliqué, les toilettes, le téléphone oublié, la recherche de la propriétaire, l'absence d'indices et le besoin de faire vite car ma petite tribu allait s'impatienter ...
Elle m'a donné un nom.
Chantal X.
Et m'a expliqué que cette dame allait être tellement heureuse qu'on lui ait retrouvé cet objet, car elle avait déjà des problèmes ce soir, avec l'avion de sa petite fille qui devait arriver de Rome et était retardé ...
J'ai un peu coupé court, le temps pressait si je voulais la retrouver avant qu'elle ne quitte l'aéroport.
J'ai dit à la dame que j'allais tenter de faire appeler Chantal X par les Hôtesses d'accueil pour qu'elle vienne récupérer l'objet.
J'ai avancé le long du large couloir.
Mais pas d'hôtesse, pas d'accueil.
Rien à cet étage là que des taxi.
J'étais à la sortie.
Il fallait remonter à la surface pour retrouver les stands des compagnies aériennes.
Et donc rebrousser chemin, pour retrouver l'ascenseur qui m'y amèrnerait.
Sur mon trajet, j'ai perçu un groupe de gens qui attendaient, de l'autre côté des tapis roulants déversant les bagages de la soute.
J'ai levé les yeux vers un écran.
Et j'ai lu : "Arrivées : Rome".
Je me suis arrêtée net.
J'ai regardé autour de moi.
Pas de personne âgée.
Ah si, deux femmes en train de discuter.
Je leur ai demandé : "L'une d'entre vous serait-elle Chantal X ?".
Elle m'ont répondu non.
J'ai donc poursuivi mon chemin, en me disant que la seule chose à faire restait de déposer la chose à un stand d'accueil, en les laissant s'en débrouiller.
Tant pis, j'avais tenté, j'avais fait ma part.
Colibri for ever en somme ...
Le reste n'était plus entre mes mains.
J'en étais là de ma réflexion et l'ascenseur était en vue, lorsque je me suis arrêtée pour observer.
Au milieu de ce grand couloir froid et quasiment vide, une petite dame frêle d'un certain âge, chignon et jupe longue, air un peu affolé, venait d'arrêter un homme de ménage sur sa machine énorme, et parlementait avec lui.
Je la voyais tendue, stressée.
Lui secouait la tête de droite à gauche, l'air navré et un peu pressé d'en finir malgré tout.
Je me suis approchée, je lui ai fait mon plus beau sourire et j'ai dit : "Vous ne seriez pas Chantal X par hasard ?".
Elle m'a regardée, interdite.
"Oui", a-t-elle répondu interloquée.
Tandis qu'elle me fixait sans comprendre, j'ai soulevé ma main droite, celle qui tenait son précieux, celle qui portait le petit objet rouge qu'évidemment elle cherchait depuis une heure désespérément ...
Et là ...
J'aurais aimé prendre en photo son visage.
J'aurais aimé garder un cliché de cet moment.
Le fermeture cédant à la joie.
L'inquiétude laissant place à l'immense soulagement.
La main portée à la bouche, pour contenir le trop plein d'émotion.
La voix qui a commencé à se casser, à chevroter.
Et les yeux qui se sont emplis de larmes.
Je l'ai prise dans mes bras.
Je l'ai embrassée.
Elle m'a remerciée une fois, deux fois, mille fois.
Elle était tellement, tellement soulagée.
Elle venait chercher sa petite fille mais l'avion était retardé.
Elle avait laissé seul à la maison son mari handicapé.
Elle n'avait plus rien pour joindre ou prévenir personne, ni le téléphone, ni les numéros des voisins ou amis à appeler surtout.
Elle m'a dit que ma famille avait de la chance, beaucoup de chance de m'avoir.
A mon tour j'ai senti mes yeux s'embuer.
Je l'ai embrassée encore une fois, puis je lui ai dit que je devais filer, que ma petite tribu m'attendait.
Et je suis repartie vers l'ascenseur.
Direction le sous sol, le parking.
Niveau -1, descendre, s'enfoncer dans l'allée glauque et éclairée de lumière artificielle.
Inspirer dans cet air saturé de particules d'essence.
Et puis, surtout, me sentir soulagée.
J'avais de nouveau le coeur léger.
On reçoit tellement, tellement lorsque l'on donne sans calculer.
J'ai pensé à mon fils, qui volait vers l'Allemagne.
J'ai pensé à toutes les belles aventures que la vie allait lui présenter.
J'ai pensé qu'il n'y avait pas de hasard.
Et je me suis dit que j'avais une chance folle.
Où que je sois, c'était désormais l'amour qui me guidait.

mardi 28 juillet 2015

En équilibre ...




D'habitude, lorsque je dis que je vis en équilibre, en fait je veux dire le contraire.
Enfin pas tout à fait le contraire.
Je veux juste dire qu'en réalité, je tente tant bien que mal de garder l'équilibre.
Ce qui voudrait dire en fait que je suis ... en déséquilibre !
Trop de vagues, trop de bleus à l'âme.
Ce sentiment de ne pas vraiment être à ma place.
Mais depuis quelque temps, il y a eu du changement.
Du grand changement.
Je me sens en équilibre.
Mais vraiment en équilibre.
Pas en train d'essayer de ne pas tomber, non.
Je suis debout, et j'évolue en tendant fort les bras, en levant haut les jambes, en sentant le vent dans mes cheveux ...
J'avance enfin en liberté.
J'apprends enfin la légèreté.
Il y a toujours des hauts et des bas.
Il y a toujours des trucs un peu moches et des gens pas super sympas.
Mais ça ne provoque plus en moi les mêmes ravages.
Ca ne bouscule plus à tous les étages.
Ca tangue un peu, ça gêne aux entournures, ça fait même vraiment chier parfois.
Mais ça ne m'atteint plus aussi profondément.
J'ai l'impression (oh j'ai peur de l'écrire tant j'ai peur que ça file !) j'ai l'impression de rajeunir.
De reconnecter avec l'enfant en moi.
De ne plus avoir ces plaies béantes à ras du coeur, au bord des lèvres.
J'ai l'impression que ça guérit, intensément, profondément.
J'ai l'impression que mon passé de grande brûlée de la vie est derrière moi.
J'ai des cicatrices.
Mais je les trouve belles.
Elles me donnent l'envie de profiter du reste, de tout le reste, de tout ce qu'il me reste à vivre.
Elles me donnent aussi du relief, de la profondeur, un visage et une âme un peu différents.
Elles me donnent une histoire, un passé, un présent.
Et je tends mes bras, je tends la jambe, je vacille mais j'en ris, je respire profondément.
Je vis.
Je vis.
Je vis.
Tout simplement.
Si simplement ?
J'ai du mal à y croire.
Tout est presque pareil.
Mais tout est différent.
On a changé le filtre.
J'ai mis des lunettes roses.
Je me surprends parfois à me sentir gamine.
C'est drôle, moi qui ai toujours eu, enfant, ce sentiment d'être très vieille.
Ma vie est à l'envers : je me sens jeune maintenant.
J'ai enfin pris conscience, j'ai enfin pris confiance.
Je me suis recentrée.
Je me suis rencontrée.
Je me suis réconfortée.
Ce reflet de moi même, mon ombre dans l'étang, toutes deux en équilibre, toutes deux ancrées dans le sol, sur un pied mais ancrées ...
Toute cette vie devant moi ...
Amour et liberté.
Il n'y a plus qu'à voler !

dimanche 26 juillet 2015

Familia jacta est ...



J'ai depuis de longues années un vrai problème avec la notion de famille.
Sans doute parce que la mienne est partie en vrille.
Trop vite.
Trop tôt.
Je me suis crashée en plein vol avant d'avoir eu 18 ans.
Plus de mère, un père dans son monde, je ne te refais pas l'histoire.
Pas vraiment de soutien pendant les années noires qui ont suivi.
Pas assez en tous cas.
Pas selon mes besoins.
Sans jugement, ce constat.
On n'est indispensable à personne quand on a perdu ses parents.
Je ne m'en plains pas.
Je te le dis, c'est tout.
On peut fêter Noël sans toi, les anniversaires des enfants ou des petits enfants sans toi.
On ne déplacera pas une date, une idée, une montagne juste pour toi.
On t'aime, oui, profondément.
C'est vrai.
Je ne le discute pas.
Mais ce n'est pas pareil.
Ce ne sera plus jamais pareil.
Mon dernier "vrai" Noël a eu lieu avant mes 18 ans.
Après, il n'y a eu que des ersatz ...
Ma mère partie.
Mon père qui s'en foutait.
C'était moyen la joie.
Avec le temps, avec les coups durs et les coups bas, il y a pourtant au autre chose.
Il y a eu des cadeaux.
Des petites pépites posées sur ma route.
Des jeunes filles qui se sont pris des claques, comme moi, mais pas les mêmes que moi.
Qui sont devenues des femmes, des femmes que j'admire, des femmes que la vie n'a pas épargnées, des femmes que la vie écorche encore à tours de bras.
Il y a eu des partages.
Immenses, intenses.
De ma douleur lorsque j'avais 15 ans.
Des leurs aussi, au fil de la vie, au fil du temps.
Il y a eu une naissance, la première, qui a tout fait basculer dans un immense trou noir.
Il y en a eu une autre qui a fait tanguer le navire.
Puis d'autres encore, et des mariages, des enterrements, comme dans le film, comme dans la vraie vie quoi ...
Il y a eu les coups de gueule, les incompréhensions, les fâcheries.
Il y a eu les coups de fil, les embrassades, le soulagement de les savoir là.
Il y a eu quelque chose de fort, de très fort, qui s'est installé petit à petit entre ces trois là.
Et puis un jour, il y a eu cette demande.
Cette demande de revanche.
Sur la vie.
Qui te donne et te reprend.
Qui t'éblouit et qui' t'écrase.
Qui te rend forte et fragile à la fois.
Je ne sais même plus laquelle des trois est à l'origine de tout cela.
Et peu importe au fond.
Mais c'est important, extrêmement important pour moi.
Ces deux femmes sont mes soeurs aujourd'hui.
Soeurs adoptives, mais pas seulement soeurs de coeur.
Il y a eu un serment, comme les enfants.
Soeurs de sang au fond ...
Il y eu cette promesse.
"Je serai toujours là".
Et ce bracelet, qui ne quitte plus ces trois poignets là.
"Sisters".
Ce mot gravé sur un petit trèfle d'argent encordé.
Tout l'or du monde dans ce petit bout de métal.
Elles sont là.
Elles étaient là.
Elles seront là.
Elles ont connu mes descentes aux enfers.
Elles ont partagés les éboulements avec moi.
Ramassé mon corps et mon coeur meurtris plus d'une fois.
Elles ont connu ma mère, mon père.
Elles ont eu accès à cette vie que je cachais autrefois.
Elles me connaissent presque comme je me connais moi.
Puis j'ai tenu leur main quand leur monde s'écroulait.
Je les ai mille fois serrées dans mes bras.
J'ai tenté d'être forte, aimante, solide pendant leurs propres drames.
Je sais qu'elles feraient tout pour moi.
Elles savent aussi.
Qu'elles peuvent tout me demander.
Tout.
Je suis prête à tout donner, à tout tenter, à tout taire, à tout accepter de ces deux là.
Je crois que j'ai enfin compris que la famille n'était pas forcément celle du sang pour moi.
Et que je suis bénie.
J'ai deux soeurs.
Et je les aime.
J'avais très envie de l'écrire.
De poser ici l'émotion d'avoir cette famille là.
Par ce que j'ai de la chance, vraiment, beaucoup de chance de les avoir.